Le Cerf porte-t-il toujours des bois ?

Les bois du Cerf sont assez spectaculaires pour ne plus être présentés, et pourtant… De quelle nature sont-ils ? Pourquoi parle-t-on de bois et non de cornes ? Ornent-ils la tête des cervidés tout au long de l’année ?

Bois du cerf

Qui sont nos cervidés

Les cervidés sont une famille de mammifères ruminants dont on rencontre deux représentants en France : le Chevreuil (Capreolus capreolus) et le Cerf élaphe ou Cerf d’Europe (Cervus elaphus). Tous deux revêtent un pelage brun-roux tendant vers le gris en hiver, mais le premier possède une croupe très blanche appelée « miroir » et il est dit anoure car il n’a presque pas de queue (elle ne mesure pas plus de 3 centimètres), tandis que le deuxième a une croupe blanchâtre moins voyante et a une queue d’une dizaine de centimètres. Autre différence fort remarquable : le Chevreuil mesure jusqu’à 1,4 mètre de long alors que le Cerf élaphe, lui, atteint une longueur de 2,6 mètres !
Chez l’un comme chez l’autre, c’est le mâle uniquement qui porte des bois, ce qui est différent chez le Renne où la femelle les porte aussi. Pour le Chevreuil, ces bois sont courts, de l’ordre de la taille d’une main, bosselés à la base, et ils comportent rarement plus de trois andouillers ou cors, autrement dit trois branches. Pour le Cerf élaphe, les bois peuvent atteindre un mètre, soit un poids d’environ 6 kilogrammes.

Trois autres espèces de cervidés sont localement présentes en France du fait d’évasions de parcs animaliers : le Cerf sika, le Daim et l’Hydropote. Ce dernier, originaire de Chine, est le seul cervidé à ne pas porter de bois.

Noms des bois

La ramure du Cerf est composée de deux bois plus ou moins symétriques. Ces bois sont fixés sur la couronne ou meule, qui les relient au pivot ou pédicule, une protubérance osseuse permanente placée sur le front. C’est ce pivot qui permet la croissance du bois. Ce qui correspond au « tronc » du bois est appelé le merrain. A partir de ce merrain se développe les andouillers ou cors qui revêtent divers noms selon leur positionnement. L’andouiller à la base du merrain est appelé maître andouiller ou andouiller de massacre, le deuxième un peu plus haut l’andouiller médian, le troisième la chevillure, puis tout en haut les andouillers prennent des noms différents selon qu’ils sont un ou plusieurs : un seul ils sont une pointe, deux une enfourchure, et trois ou au-delà une empaumure. Dans ce dernier cas, l’andouiller prend le nom d’épois. Les andouillers poussent en général tous vers l’avant et le haut et sont au nombre d’une douzaine sur une ramure arrivée à maturation. Chaque individu a des bois différents, déterminé par son patrimoine génétique et par son environnement (nourriture, stress…). Leurs qualités lui servira a se démarquer des autres mâles lors des ruts, où ont lieu intimidations et parfois combats.

Légende bois du Cerf

Nature de la ramure

Les bois sont des organes caduques, qui tombent chaque année pour se reconstituer l’année suivante. C’est le seul organe chez les mammifères à se régénérer ainsi intégralement. Ils diffèrent des cornes qui sont creuses et demeurent toute la vie sur la tête de l’animal en poussant progressivement. Les bois poussent à partir des pivots, qui sont présents chez le mâle comme chez la femelle. Chez le mâle arrivé à maturité sexuelle, au cours de la deuxième année en général, ces pivots vont donner naissance aux bois. De la « première tête », c’est-à-dire la première année de pousse des bois, jusqu’à environ la cinquième tête, le Cerf ne va d’abord avoir qu’une petit dague, puis le nombre d’andouillers va s’accroître durant ces années. Avant dix ans pour la plupart, la ramification des bois est complète et leur taille et masse n’évolue plus que lentement, sans nouvelle ramification. Le pivot, lui, s’élargira au fil des ans par superposition osseuse tout en se raccourcissant. Les individus âgés ont eux des ramures qui diminuent. On ne saurait donc donner l’âge d’un cerf d’après le nombre de ses andouillers.
Les bois du Cerf sont constitués de tissus osseux vascularisés, plus durs à la périphérie qu’à l’intérieur. Durant la croissance des bois, l’animal traverse une phase d’ostéoporose, c’est-à-dire de fragilisation de ses os, liée à la forte demande en calcium et en minéraux nécessaire à la constitution de la ramure. La disponibilité des ressources alimentaires est d’ailleurs un facteur important dans la bonne croissance des bois. Un animal vivant dans un milieu pauvre en nourriture aura des bois qui pousseront plus lentement et seront moins robustes.

La saison des bois

On sait que le cycle des bois est lié aux variations hormonales de l’animal mais aussi à la variation annuelle de la lumière du jour. Le cycle varie selon les individus et leur âge. Chez les mâles âgés, la chute des bois a lieu plus tôt et la repousse dure plus longtemps que chez les jeunes.
Le Cerf perd ses bois à la fin de l’hiver. La jonction du pivot et des bois s’érode, le pivot devient plus vascularisé (des vaisseaux sanguins se créent), sa peau devient enflammée. Parfaitement ancrés  quelques jours plus tôt, les bois tombent alors des deux côtés, soit en même temps soit à quelques heures d’écart.
Au printemps, le Cerf mâle se retrouve ainsi décoiffé de sa ramure et ne peut être distingué de la femelle que par sa carrure massive. Après la chute des bois, les pivots saignent brièvement et cicatrisent en formant un bourrelet recouvert d’une fine peau aux poils courts, dont l’aspect a donnée le nom de velours. Les bois croissent progressivement pendant le printemps, en quatre mois environ, toujours enveloppés de velours. D’abord spongieuse, l’ossification se durcit dans un deuxième temps.
A la fin de l’été, le taux de testostérone augmente chez l’animal et la vascularisation s’interrompt. Les velours se dessèchent et tombent en lambeaux, dont le Cerf se débarrasse en frottant ses bois contre les arbres : on dit qu’il fraye. Lorsque l’automne arrive, saison du brame et de la reproduction chez les Cerfs, les bois sont entièrement formés et sans velours, fin prêts à impressionner les femelles et les rivaux.
Au printemps suivant, les bois retombent et le cycle de régénération des bois recommence.

Références

CRIGEL Marie-Hélène, BALLIGAND M., HEINEN E., Les bois de cerf : revue de littérature scientifique, Annales de médecine vétérinaire, Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Liège, 2001.
GIBSON Chris, Animaux sauvages, Larousse, 2007.
HAINARD Robert, Mammifères sauvages d’Europe, Delachaux et Niestlé, 1997.
MACDONALD David, Guide complet des mammifères de France et d’Europe, Delachaux et Niestlé, 2005.
ONCFS, KLEIN François, Le Cerf élaphe, http://www.oncfs.gouv.fr/Connaitre-les-especes-ru73/Le-Cerf-elaphe-ar978 (page consultée en décembre 2012).
 

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