Sur l’orchidée Néottie nid d’oiseau, nulle trace de vert. Sans chlorophylle, comment puise-t-elle son énergie ? Profite-t-elle d’une espèce voisine au détriment de celle-ci, comme le font certaines Orobanches auxquelles elle ressemble ?
Un plante non chlorophyllienne
La Néottie nid d’oiseau (Neottia nidus-avis) est parfois confondue avec une Orobanche, laquelle a des fleurs davantage tubuleuses. On la rencontre dans les sous-bois jusqu’à 2 000 mètres d’altitude dans une large partie de la France, bien qu’elle soit rare à l’Ouest. Haute d’une trentaine de centimètres, elle ressemble comme nombre des espèces d’orchidées à un petit personnage. Au niveau de ce qui pourrait correspondre à la tête, sur le gynostème, on remarque facilement du pollen jaune clair.

Fleur de Néottie nid d’oiseau
Hormis cette tâche de couleur, la Néottie nid d’oiseau est entièrement brunâtre. C’est probablement la moins colorée de nos orchidées. Et pour cause : elle est dépourvue de pigment vert et du mécanisme de photosynthèse qui s’y rapporte.
La chlorophylle est un pigment qui permet habituellement aux plantes de recourir à la photosynthèse. Grâce à elle, les végétaux absorbent la lumière pour la transformer en énergie chimique. Cette énergie sert à synthétiser les matières inorganiques puisées dans le sol. On dit des plantes qui utilisent un tel processus qu’elles sont photoautotrophes. Ce n’est pas le cas de la Néottie nid d’oiseau, qui est mycohétérotrophe.
Un organisme saprophyte se nourrit de matières organiques mortes. On a longtemps parlé de plantes saprophytes. Pourtant, les plantes ne puisent pas directement leurs ressources dans des matières organiques mortes mais passent par l’intermédiaire de champignons. De ce fait, les champignons peuvent être qualifiés de saprophytes, mais une plante est désormais dite mycohétérotrophe.
L’alliance mycorhizienne, un mécanisme bien connu des orchidées
Peut-être avez-vous déjà entendu que les orchidées ne peuvent pousser sans champignon. Elles ont en effet un mode de germination bien particulier. On pourrait qualifier les graines qu’elles produisent de minimalistes, car elles sont dépourvues de réserves. Elles ne peuvent donc se développer sans un apport nutritif extérieur spécifique. Cet apport leur est fourni par de microscopiques champignons souterrains. Les filaments qui composent ces champignons doivent pénétrer la graine pour qu’elle se développe. La plante reçoit grâce aux champignons minéraux et carbone organique.
Après sa germination, l’orchidée pousse et développe des feuilles. Elle n’a plus besoin de l’apport en carbone des champignons puisqu’elle peut le produire elle-même grâce à la photosynthèse. L’association avec les champignons se poursuit, mais la plante n’y puise plus que de l’eau et des minéraux supplémentaires. Cependant, certaines orchidées n’ont pas recours à la photosynthèse, comme la Néottie nid d’oiseau. L’alliance demeure alors nécessaire pour subvenir à ses besoins en carbone.
La compréhension de la relation entre orchidées et champignons est loin d’être complète. Il semblerait qu’il ne s’agisse pas de parasitisme mais bien d’une symbiose, où chacun trouverait un bénéfice mutuel à l’association. Les champignons retireraient des orchidées des vitamines, et peut-être une aide pour coloniser les racines des arbres. Car les champignons auxquels sont associés la Néottie nid d’oiseau, de l’ordre des Sébacinales, puisent leur carbone dans les racines des arbres. On peut donc dire que la Néottie nid d’oiseau est un parasite indirect des arbres. Les champignons permettent la connexion entre ces deux végétaux grâce au réseau souterrain que forment leurs filaments ou mycéliums.
La mycorhize (du grec myco, champignon et rhiza, racine) désigne l’association entre une plante et un champignon. Il en existe plusieurs sortes, mais toutes consistent à profiter des apports nutritifs de l’autre espèce par le biais des racines et des filaments. Une très large partie des végétaux sur notre planète développe ce type d’alliance.
Références
BAUER Robert, GARNICA Sigisfredo, OBERWINKLER Franz, RIESS Kai, SELOSSE Marc-André, WEIß Michael, ZUCCARO Alga, Enigmatic Sebacinales, Mycological Progress, Volume 12, German Mycological Society and Springer-Verlag Berlin Heidelberg, 2013.
DELFORGE Pierre, Guide des Orchidées d’Europe, d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, Delachaux et Niestlé, 2005.
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SELOSSE Marc-André, La Néottie, une « mangeuse » d’arbres, L’Orchidophile n°155, Société Française d’Orchidophilie, 2003.
Site de la Société Française d’Orchidophilie : http://sfo-asso.com