Durant les nuits d’été, un ver bien spécial se fait discrètement remarquer par sa petite lumière qu’il agite entre les herbes. Comment arrive-t-il à produire une telle lueur et à quoi lui sert-elle ?
Un ver… insecte
Ce que l’on appelle couramment le Ver-luisant n’est pas un ver : c’est un insecte. Il fait partie de l’ordre des coléoptères, celui des scarabées et des coccinelles. Cette approximation de langage est due au fait que l’on ne voit souvent le Ver-luisant que de nuit, alors qu’il brille. Dans cette circonstance, on ne discerne de lui que sa petite lumière qui éclaire vaguement le reste de son corps, rappelant la forme allongée d’un Ver. Il est vrai que la femelle garde un aspect larvaire toute sa vie, mais à la lumière du jour, on découvre sans mal qu’elle possède bien six pattes, une paire de courtes antennes, et une série de segments dorsaux. Notre Ver-luisant commun, Lampyris Noctiluca, porte également le nom plus approprié de Lampyre : sa famille est celle des Lampyridae, du grec « lampo » qui signifie « briller ».
Le Lampyre est un très bon exemple en matière de dimorphisme sexuel : mâle et femelle ont en effet des différences morphologiques particulièrement remarquables, qui jouent un rôle majeur dans la perpétuation de l’espèce. Le mâle possède des ailes qui lui assurent une grande mobilité, ainsi que de gros yeux surmontés d’un pronotum au rôle réflecteur, qui lui permettent de repérer efficacement la moindre lumière et donc celle de ses partenaires. La femelle, elle, est aptère : elle est dépourvue d’ailes. Ses possibilités de circulation sont donc beaucoup plus restreintes. Les rôles dans le processus de reproduction sont de ce fait assignés : c’est le mâle qui part à la recherche de la femelle. Celle-ci, pour se rendre visible depuis le sol, émet une puissante lumière. Une lumière froide, fruit d’une réaction chimique naturelle…
La bioluminescence
Ce que l’on nomme la bioluminescence n’est pas exclusivement l’apanage du Lampyre. De nombreux êtres vivants, notamment les méduses, les vers, ou l’embranchement des mollusques, comptent des espèces luminescentes. Ce sont surtout des animaux marins. Le monde des profondeurs, qui nous est encore largement inconnu, abrite très certainement beaucoup d’espèces noctiluques. Sur terre, il n’y a pas de mammifère luminescent. Chez les vertébrés, le phénomène se retrouve seulement chez des poissons. Beaucoup d’Insectes sont bioluminescents, en particulier chez les coléoptères (comme notre Ver-luisant) mais également chez les diptères.
Il existe différents types de bioluminescences, qui font entrer en jeu des processus biochimiques distincts. Dans tous les cas, une molécule, excitée à la suite d’une activation chimique, retombe dans un état énergétique plus faible qui déclenche l’émission d’un photon, produisant de la lumière.
Chez le Lampyre, il s’agit d’une oxydation de la luciférine, une molécule organique. Cette oxydation s’active sous l’effet de l’ATP et d’ions magnésium, catalysée par une enzyme, la luciférase. Un complexe se forme, qui, après oxydation de la luciférine, se met à briller. L’énergie biochimique se transforme en lumière.
Être noctiluque…
Cette réaction biochimique se produit à l’intérieur des cellules du Lampyre. Larve, mâle et femelle sont tous les trois noctiluques, mais c’est la femelle qui brille le plus : outre l’extrémité de son abdomen, les deux avant-derniers segments de sa face ventrale sont également des photophores, de loin les plus lumineux.
Perchée sur un brin d’herbe, elle dresse son abdomen de sorte que ses segments ventraux soient visibles depuis le ciel, et effectue des mouvements de rotation. Les signaux lumineux ainsi produits peuvent être tour-à-tour perçus de tous les alentours.
Cette stratégie de reproduction, qui ne repose pas sur l’attraction par des phéromones mais par un signal visuel, doit de nos jours faire face à un grand obstacle : les lumières artificielles. S’ajoute à la pollution lumineuse les dommages causés par l’utilisation d’insecticides et de molluscicides (l’aliment principal du Lampyre étant les escargots), ainsi que la disparition de leurs habitats : friches, haies, murets végétalisés… Supprimer l’éclairage permet de redonner aux nuits leurs vraies couleurs, et de laisser ainsi la place au langage vert brillant des Vers-luisants.
Références
BAUTZ Anne-Marie, La bioluminescence chez les animaux, Bulletin de l’Académie Lorraine des Sciences, 2005.
CAMPBELL Neil, Biologie, Pearson, 2012.
DE CLERCQ Danielle, DELSATE Philippe, Étymons grecs et latins du vocabulaire scientifique français, Centre de Documentation pour l’Enseignement Secondaire et Supérieur, LLN, Belgique, 2000.
FABRE Jean-Henri, Souvenirs entomologiques, 10e série, 1907.
FRAVAL Alain, Les insectes noctiluques, revue Insectes n°154, OPIE, 2009.
LIVAGE Jacques, La bioluminescence, Cours et séminaires du Collège de France, 2004.
MCGAVIN George C., Insectes et araignées, Larousse, 2005.
Cette lumière est blanche, calme, douce a la vue et donne l’idée d’une étincelle tombée de la pleine lune.
Jean-Henri FABRE, Souvenirs entomologiques, 1907.
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