L’avez-vous remarqué, ce pâle reptile mimétique qui côtoie l’homme en marchant sur ses murs ? Comment fait-il pour progresser à la verticale avec autant de facilité ?
Dans des tons variables du blanc au gris, il se fond parfaitement avec le crépi d’une maison pour surprendre ses proies. Son habitat naturel est à chercher dans les zones rocheuses, mais le milieu urbain lui convient très bien. En pleine activité le soir, il sait mettre à profit la lampe extérieure qui éclaire la terrasse et met en déroute les insectes nocturnes. À la limite du halo de lumière, il n’a plus qu’à se servir. Le gecko fait partie des quelques reptiles que l’Humain approche de près, qui plus est sans succomber à l’effroi.

Mimétisme de la Tarente de Maurétanie
sur un mur
Qu’entend-on par « gecko » ?
Dans la famille des Gekkonidae, seul l’Hémidactyle verruqueux (Hemidactylus turcicus) est présent en France métropolitaine, sur le bassin méditerranéen et en Corse. Il figure sur la liste rouge 2009 des reptiles menacés en France en tant qu’espèce « quasi menacée ». Il est considéré comme ayant été anciennement introduit du Proche-Orient.
L’Hémidactyle verruqueux fait partie de la classe des Reptiles et de l’ordre des Squamates, tout comme la Tarente de Maurétanie (Tarentola mauritanica) qui, elle, est de la famille des Phyllodactylidae. C’est cette dernière que l’on rencontre le plus fréquemment en France. Auparavant cantonnée au sud, sa répartition s’étend à présent jusqu’à la région Rhône-Alpes.
Beaucoup plus rare, l’Eulepte d’Europe (Euleptes europea) n’est présent qu’en Corse et à l’extrême sud-est de la France. Il est « quasi menacé ». Du même ordre que les deux précédents, il appartient quant à lui à la famille des Phyllodactylidae.
Chacune de ces trois espèces appartient donc à une famille différente, dont une seule à la famille des Geckkoindae. Nous les nommons cependant des « geckos » dans le langage courant car elles font partie de l’infra-ordre des Gekkota, ou « geckos ». L’infra-ordre est un niveau de classification intermédiaire des êtres vivants qui se situe sous le sous-ordre et au-dessus de la famille, dans notre cas sous le sous-ordre des Sauriens.
Il ne faut donc pas confondre ce que nous nommons un gecko avec le genre Gekko qui, lui, s’écrit avec deux « K » et dont aucune espèce ne vit en France.

Jeune Tarente de Maurétanie
Les trois geckos de France
Eulepte d’Europe, Euleptes europea (Gené, 1839)
- Classe : Reptiles
- Ordre : Squamata
- Famille : Sphaerodactylidae
Hémidactyle verruqueux, Hemidactylus turcicus (Linnaeus, 1758)
- Classe : Reptiles
- Ordre : Squamata
- Famille : Gekkonidae
Tarente de Maurétanie, Tarentola mauritanica (Linnaeus, 1758)
- Classe : Reptiles
- Ordre : Squamata
- Famille : Phyllodactylidae
La force à petite échelle
Tous les lézards ne possèdent pas cette remarquable capacité qu’a la Tarente d’évoluer sur les murs comme si elle possédait des adhésifs en guise de pattes. On a longtemps cru que les geckos avaient des sortes de ventouses qui leur conféraient ce pouvoir, mais les expériences ont montré que même dans le vide, les pattes gardent leur capacité. Des forces intermoléculaires sont à la source de l’explication.
Sur la face antérieure de leurs doigts, les geckos possèdent une série de petites lamelles, les scansors, elles-mêmes tapissées de milliers de poils invisibles à l’œil nu appelés sétules. L’extrémité de ces sétules est très ramifiée et se termine en minuscules triangles qui augmentent la surface d’adhésion. Lorsque le gecko pose sa patte sur une surface, s’y appuie, puis exerce une traction, les sétules se mettent en place. Les molécules entrent alors en interaction avec les molécules de la surface sur laquelle elles sont posées, celles d’un mur par exemple. Des liaisons chimiques « faibles », c’est-à-dire qui apparaissent brièvement puis se séparent, jouent à cet instant le rôle principal.
À l’échelle atomique, les atomes chargés négativement et ceux chargés positivement s’attirent naturellement pour se compléter. À l’échelle moléculaire, les électrons d’une molécule ne sont pas toujours répartis de manière uniforme. Il se crée ainsi des régions chargées positivement et d’autres chargées négativement. Lorsque ces molécules, et donc ces atomes, se retrouvent à proximité les uns des autres, une attraction apparaît temporairement. C’est ce que l’on nomme les forces de Van der Waals.
Multipliées par le nombre de sétules entrées en contact avec la paroi, la force est suffisante pour faire tenir le gecko sur son mur ou sur un plafond. Même lorsque le lézard ne fait entrer en action qu’une petite partie de ses sétules – à cause d’une surface irrégulière ou poussiéreuse par exemple – la marge entre le nombre de sétules nécessaires et celles en présence est telle qu’il ne rencontre pas de problème d’adhésion.
Les bandelettes adhésives des geckos ne sont pas réparties de la même façon et ne sont pas au même nombre selon les espèces. Ainsi, l’Eulepte d’Europe a des bandelettes seulement à l’extrémité de ses doigts élargis.
Références
AUTUMN Kellar, HSIEH S., DUDEK D., CHIEN J., CHITAPHAN C., FULL R., Dynamics of geckos running vertically, Journal of Experimental Biology, 2006.
BENSETTITI F., GAUDILLAT V., Cahiers d’habitats Natura 2000, Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire, Tome 7 : espèces animales, La Documentation française, 2004.
LESCURE Jean, DE MASSARY Jean-Christophe, Atlas des Amphibiens et Reptiles de France, Société Herpétologique de France, Muséum National d’Histoire Naturelle, 2012.
REECE Jane, URRY Lisa, CAIN Michael, WASSERMAN Steven, MINORSKY Peter, JACKSON Robert, Campbell Biologie, Pearson, 2012.
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