Il est fréquent de voir des Abeilles avec les pattes arrières chargées de pollen. Comment se fixe-t-il ici ? Toutes les Abeilles portent-elles le pollen de la même façon ?
La grande famille des Abeilles
Les Abeilles sont des insectes de la super-famille des Apoidea. En France, il en existe près de 1 000 espèces que l’on peut répartir en six grandes familles : les Andrenidae, les Apidae, les Colletidae, les Halictidae, les Megachilidae et les Melittidae. Avec une telle variété de familles et d’espèces, il n’est pas aisé de parvenir à une identification. L’espèce d’Abeille la plus connue est celle utilisée en apiculture, Apis mellifera, c’est-à-dire l’Abeille mellifère aussi appelée Abeille domestique.
Survol des familles :
- Les Andrénidés sont surnommées les Abeilles de sable : elles sont solitaires et font leur nid dans le sol. Elles ont une langue courte.
- Les Apidés ont une longue langue. Certaines espèces sont sociales, comme Apis mellifera, d’autres sont solitaires.
- Les Collétidés ont une courte langue bifide. Ce sont des Abeilles solitaires qui nichent dans la terre. Elles recouvrent les cellules où elles ont pondu leurs larves d’une sorte de film plastique naturel pour les protéger de l’eau. Pour cette raison, on les surnomme parfois Abeilles cellophane.
- Les Halictidés ont une langue courte. Elles nichent dans le sol et ont des degrés de sociabilités variés.
- Les Mégachilidés ont une longue langue. Elles sont solitaires et nichent dans divers endroits : terres, tiges creuses, trous dans du bois… Avec leurs puissantes mandibules, elles sont capables de découper des feuilles pour la construction de leur nid.
- Les Mélittidés ont une langue courte. On ne rencontre qu’une dizaine d’espèces de cette familles en France. Elles nichent au sol et sont souvent spécialisées dans certaines fleurs pour leur butinage.
À noter l’importance de la longueur de la langue, qui détermine sur quels types de fleurs l’Abeille pourra puiser du nectar. Les Abeilles à langues longues vont chercher du côté de fleurs à corolles profondes, comme la Mélitte à feuille de mélisse pour ne donner qu’un seul exemple, tandis que les Abeilles à langues courtes se tourneront vers des fleurs au nectar plus accessible, comme les Ombelles.

Fleurs d’Ombelle et de Mélitte à feuille de mélisse
Poils et paires de pattes en action
Tout comme de nombreux insectes, les Abeilles sont des pollinisateurs : elles permettent aux plantes de se reproduire en disséminant leurs gamètes d’une fleur à l’autre. Outre l’immense service rendu au règne végétal et aux écosystèmes entiers, les Abeilles récoltent nectar et pollen afin d’en nourrir leurs larves.

Abeille puisant le nectar avec sa langue
Tandis que le nectar est absorbé avec la langue et stocké dans le jabot, le pollen, lui, doit être « ramassé ». Comment s’y prendre ? Sachant que l’animal a à sa disposition trois paires de pattes (comme tous les insectes), des rangées de poils plus ou moins denses et durs et différemment réparties selon les espèces, et quelques autres outils dont nous allons faire la connaissance…
L’Abeille domestique, elle, commence par frotter avec ses pattes avant les anthères des fleurs. Le pollen se décroche et son corps poilu s’en retrouve couvert. Après avoir prélevé le pollen éparpillé sur ses poils, elle doit le stocker pour effectuer un passage sur d’autres fleurs avant de ramener le tout à la ruche.
Avec sa première et sa deuxième paires de pattes, elle regroupe l’ensemble du pollen, qu’elle compacte avec un peu de nectar régurgité, puis le fait passer aux pattes postérieures. Celles-ci sont équipées, sur leur face interne, d’une véritable brosse à pollen nommée scopa et constituée de poils qui réceptionnent l’arrivage.
Un autre « instrument » entre alors en jeu pour la troisième étape de cette récolte : entre le tibia et le métatarse, se trouve un peigne à pollen auquel fait face un poussoir. L’Abeille détache le pollen de la brosse d’une patte avec le peigne de l’autre patte pour le placer sur la face extérieure de ces mêmes pattes arrières, au niveau du tibia, où se trouve une corbeille à pollen. C’est là que se forme la pelote aux jaunes variables que l’on peut remarquer sur les Abeilles en récolte.
Tassé sur les poils et retenu par une bordure de soies raides que l’on nomme râteau, le pollen s’accumule ainsi petit-à-petit jusqu’à ce que l’Abeille aille le décrocher avec ses deux paires de pattes arrières et le dépose dans les alvéoles de la ruche.

Face interne de la patte arrière

Face externe de la patte arrière

Patte chargée de pollen
Récoltes alternatives
D’autres espèces, cependant, ne portent par leur appareil de récolte sur leurs pattes arrières, mais sous leur abdomen. C’est le cas d’abeilles de la famille des Mégachilidés, comme l’Osmie rousse (Osmia rufa). Elles possèdent en effet une brosse ventrale dont les poils se redressent pour recueillir le pollen. La pilosité de cette forme de scopa est souvent d’une autre couleur que le reste de l’abdomen, en bandes. Lorsqu’elle n’est pas déjà recouverte de pollen, il s’agit d’un bon moyen pour distinguer les espèces.
Certaines espèces, comme Andrena Proxima chez les Andrénidés, ont une scopa sur les côtés du thorax, sur une partie nommée le propodeum.
Les espèces du genre Collétidés, elles, n’ont pas de scopa du tout. Pour emporter le pollen jusqu’à la ruche, elles utilisent le même système que pour le nectar : elles le gardent dans leur jabot.
D’autres genres d’Abeilles n’en possèdent pas non-plus : les espèces dites cleptoparasites, ou Abeilles coucous. De la même manière que l’oiseau – le Coucou – ce type d’Abeilles pond ses œufs dans le nid d’autres Abeilles et profitent du pollen qu’elles récoltent. Elles font partie de différentes familles comme celle des Halcitinés, des Mégachilidés, ou des Apidés. Elles ressemblent souvent à des guêpes et possèdent globalement moins de poils. Certains Bourdons, fortement poilus, eux, font cependant aussi partie des « Coucous », comme le Bombus sylvestris.
La pilosité de l’Abeille fait donc partie de l’un des caractères principaux de distinction entre les espèces ; elle en dit long sur la méthode de récolte de l’individu. L’observation de ce critère lorsque l’on croise une Abeille, et notamment le simple fait de regarder si elle possède ou non une adaptation morphologique pour porter le pollen, peut être un très bon moyen pour commencer à observer ce petit monde au ras des fleurs.
Références
ARTHROPOLOGIA, Les abeilles, préserver la biodiversité dans le Grand Lyon, 2012.
BELLMANN Hans, Guide des abeilles, bourdons, guêpes et fourmis d’Europe, Delachaux et Niestlé, 2009.
CLÉMENT Henri (dir.), Le traité Rustica de l’apiculture, Rustica, 2003.
JACOB-REMACLE Annie, Les abeilles solitaires : des insectes pollinisateurs peu connus, Insectes n°84, 1992.
LEPELETIER DE SAINT-FARGEAU Amédée, Histoire naturelle des insectes hyménoptères, Librairie Encyclopédique du Roret, 1841.
Site OPIE, Office pour les Insectes et leur Environnement : http://www.insectes.org
Site du programme Life + Biodiversité URBANBEES : http://www.urbanbees.eu
PESSON Paul, LOUVEAUX Jean (dir.), Pollinisation et productions végétales, INRA, 1984.
University of Minnesota, Department of Entomology, Bee Lab : http://beelab.umn.edu
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